AUBRY   Charles
Ma carrière militaire de 1942 – 1968

 

A compter du 2/10/1942  je me suis engagé dans la MARINE NATIONALE jusqu'au  31/12/1949.   Puis sans interruption dans la GENDARMERIE NATIONALE, de juin 1950 au 30 avril 1968.
Enfin ce fut la retraite au 1er mai 1968 après plus de 25 ans de service,  non compris les 2 années d'Ecole dans la Marine.


Matricule  720 t 43

J'ai 17 ans lorsque le 2 octobre 1942, je rejoins l’École des Apprentis Mécaniciens de la Flotte (EAMF) à ST MANDRIER – Var – Toulon – comme apprenti Torpilleur.
La durée en école est de 2 ans suivi d'un engagement de 5 ans dans les Équipages de la Flotte.
Mon service a commencé fort ; quelques mois après mon engagement j'ai été témoin  le  27 Novembre 1942 du sabordage de la Flotte française (*). Ce jour là à 4 heures du matin, l'enfer se déchaîne. C'est une vision d’apocalypse, le ciel, la mer,  ne sont que feu, flammes, fumées noires...
La mer se couvre d'une épaisse couche de mazout en flamme. Les explosions se succèdent sans arrêt. C'est un  spectacle affreux et quel serrement de cœur de voir notre Flotte disparaître ainsi. Il le fallait ….. car  les marins allemands se trouvaient sur le quai Cronstadt avec leur paquetage pour embarquer sur nos navires.

Les troupes allemandes « Les tankistes tête de mort » nous neutralisent rapidement. Nous sommes emmenés par camion au Vième dépôt des Equipages de la Flotte à TOULON ;  prisonniers – comme des milliers de marins – la période a été  pénible et nous avons souffert de la faim  (1 oeuf pour 4 !).
Après une période très courte (un mois environ), nous sommes triés et certains se sont retrouvés à la gare de Toulon en partance pour l'Allemagne, d'autres – comme moi-même – renvoyés dans leurs foyers.  C'est un épisode inoubliable pour le début de ma carrière !

Les événements de ce   vendredi 27 novembre 1942

A 6 heures du matin, l'Ecole (EAMF) est occupée par les blindés allemands ; les tankistes sont  habillés de noir, portant la tête de mort sur la coiffure et le casque spécial des troupes blindées.
Le branle-bas au clairon rassemble plus de mille élèves dans la cour d'Honneur, par compagnie, à l'emplacement habituel des rassemblements , avec nos gradés, en tenue de travail, treillis gris, sans coiffure. Ordre nous est donné de nous mettre en rang comme à l'ordinaire.
Nos officiers supérieurs, le Commandant de l’École au centre, se placent sur le perron du bâtiment administratif , perpendiculaire à l'allée centrale.
Les officiers allemands arrivent en véhicule, escorté par des motocyclettes et side-cars, dans cette grande allée centrale...

Le silence est total. Après un colloque rapide, nos chefs pénètrent avec les occupants dans le bâtiment administratif.
Nous sommes au «  Repos » durant des heures- silencieux- puis ordre nous est donné de rejoindre les dortoirs. Toujours en silence il faut préparer nos paquetages, et sans cesse il nous est répété « silence absolu » !
 
Mais à l'extérieur de l’École, ce n'est pas le silence ; les explosions se succèdent. Les bâtiments de guerre de notre Marine, se sabordent les uns après les autres, l'incendie fait rage, la fumée noire est telle que le ciel est obscurcit, des tirs d'arme automatique se font entendre, il y a quelques points de résistance malgré la surprise lors de l'arrivée de l'ennemi.

Le cuirassé « Le Strasbourg » tire sur les blindés allemands – en tir tendu -  avec ses 380. A chaque coup, un blindé allemand est hors de combat.... puis l'équipage saborde le bâtiment... il s'enfonce droit dans les flots jusqu'à la ligne de flottaison.

Les Allemands occupent les points stratégiques, la base aéronavale accolée à notre école.
Quelques jours plus tard, nous recevons l'ordre de nos Chefs, de nous mettre en tenue, et de nous rendre dans la cour principale avec nos paquetages. Nous embarquons dans des camions, les allemands encadrent le convoi. Nous sommes « Prisonniers ». Nous nous dirigeons sur TOULON – distant d'une vingtaine de kilomètres – et nous arrivons au Vième dépôt des Equipages de la Flotte.   C'est là que des centaines de marins de tous les équipages, jeunes, anciens, matelots, gradés sont rassemblés – à l'extérieur -, les uns sur les autres. Puis nous sommes hébergés (!) dans les hangars du parc automobile, uniquement couvert d'une toiture ; je retrouve des camarades de l'Ecole parmi de nombreux anciens. Nous sommes en décembre, les nuits sont froides, sans couverture, serrés les uns contre les autres....

Que va t-on faire de nous ?
La nourriture est rare (un œuf pour 4, et très peu de pain !) ; des anciens nous donnent leur part... nous sommes vraiment des « jeunots » - 17 ans - et à peine 3 mois de service !  L'angoisse est perceptible.
Puis tous les jeunes sont conduits à la gare de TOULON pour rejoindre nos foyers. Direction LONGWY pour ma part et j'arrive à la mi-décembre 1942 chez mes parents, en tenue, avec mon paquetage, en état de choc, revoyant les événements de la perte de notre plus belle Flotte ; cela me paraissait inimaginable, un  rêve....

Peu de jours après mon arrivée au pays, je suis convoqué à la Kommandatur à LONGWY pour être envoyé dans les Ecoles de la Marine  ALLEMANDE à Ludwighafen !  Il m'est fixé une date de départ et je passe une visite médicale. On me donne divers papiers, même des étiquettes pour les valises....
Je ne pars pas …. et je suis convoqué cette fois à la Kommandatur de Nancy -54-. Je m'y rends, cependant je ne vais pas via l'Allemagne mais  .. vers la Zone Libre !

N'ayant pas obtempéré, et après pas mal de périples, je rallie un centre de la Résistance, aux environs de Marseille à MONTOLIVET. Puis je continue cette guerre, en quittant Marseille après avoir participé à sa libération, pour rejoindre la Zone Opérationnelle, via le Doubs et le Rhin, avec les troupes ayant débarqué en Provence....
Mais ceci est un autre épisode. ( Marin Pompier, Résistance, et entrée en  Gendarmerie)

(*)    Plus de 60 bâtiments de Guerre coulés par leurs équipages pour qu'ils ne tombent pas aux mains des Allemands :
deux grands croiseurs de lignes : le « DUNKERQUE » 26500 T – Le « STRASBOURG »  un vieux cuirassé jaugeant 22.180 T
- quatre grands croiseurs de première classe (10.000 T) : « ALGERIE » - « COLBERT » - « FOCH » - DUPLEIX »- trois croiseurs de deuxième classe (7000 T) : « MARSEILLAISE » - « GALLISSONIERE »- «  JEAN DE VIENNE »- un tranport d'avions : « Commandant TESTE » (10.000 T)
environ 25 Contre-torpilleurs et  Torpilleurs (2000 à 50.000T)
environ 25 sous-marins (1000 T à 25.000 T)

 

 

 

Ma carrière militaire de 1942 – 1968 (suite)

Un  parcours agité : 
Marin-Pompiers    - Résistance -      libération de la France -     L’Alsace -
Engagement dans la Marine 
Engagement en Gendarmerie : Tunisie, Indochine, La Réunion, la Corse.

 

Je rallie MARSEILLE pour échapper à l'Ecole de la Marine allemande. Je me trouve affecté aux marins-pompiers de Marseille, logé dans un hôtel réquisitionné, à proximité de Notre Dame de L Garde.
Courant août 44, la ville de Marseille subit plusieurs bombardements violents, prélude au débarquement de Fréjus par les troupes alliées.
Les incendies font rage, la cité est embrasée. Il fait clair comme en plein jour. La DCA allemande tire sans discontinuité.
Le 15 août 44, au cours de l'un de ces bombardements, alors que les allemands sont occupés à la riposte, nous profitons de mettre nos projets à exécution (rejoindre la résistance). Les jours précédents une concertation avait eu lieu avec des marins d'accord de se joindre aux troupes débarquées, de les aider au maximum, puisque nous étions au milieu de l'ennemi …
Nous avons quitté notre Unité avec un véhicule d'incendie des marins-pompiers, actionnant la sirène du  bord, nous avons franchi aisément les barrages allemands. Nos paquetages abandonnés chez des civils à proximité de l'hôtel.
Nous avons pu, après quelques détours et ruses, à nous rendre dans un groupe de résistants, de la banlieue de Marseille, quartier de Montolivet, à proximité de l'hôpital dans une grande propriété.
Nous avions abandonné notre véhicule à quelques kilomètres de là...
Au cours d'un accrochage avec des unités allemandes qui ratissaient la ville, nous nous réfugions dans un immeuble occupé par plusieurs familles qui nous soustraient aux fouilles...
Du balcon de l'hôtel réquisitionné par la Marine, nous avions lancé nos paquetages chez les civils, très compréhensifs qui avaient dissimulé immédiatement les sacs marins. (récupérés plusieurs mois plus tard).
Début septembre, par convoi routier formé en unités constituées, avec les éléments du corps de débarquement de Fréjus, nous nous dirigeons vers la frontière suisse.
Le 15 octobre 1944, nous prenons position dans les tranchées et trous individuels, à environ 100 mètres des lignes allemandes ; nous avons libéré quelques villages jusqu'au 7 novembre 1944.
Je suis nommé première classe au feu ; une petite cérémonie rapide est faite en retrait de la zone périlleuse, pour avoir été « volontaire pour se rendre sur un blindé, sauté sur une mine, devant les lignes ennemies, ramené sacoche contenant pièces administratives importantes, laissées par l'Equipage en abandonnant l'engin, mission accomplie après plusieurs heures avec tirs de l'ennemi et sur terrain miné … heureusement recouvert d'une épaisse couche de neige … (j'ai eu chaud!!!)
24 jours plus tard nous sommes relevés, pour un autre secteur opérationnel, dans la forêt de la Harth, partie forestière de la plaine d'Alsace dans le Haut Rhin.
Encerclés, nous réussissons à franchir un pont sur la rivière l'Ill, après de sévères pertes tant par les armes automatiques qui balayaient le pont que nos camarades qui se noyèrent dans l'eau glacée, la rivière était recouverte de glaçons (hiver très rude).
Combats dans le village d'Altkirch, les caves – bombardements intenses – artillerie ennemie et autres armes automatiques.
Nous sommes restés plus de 4 mois au contact direct de l'ennemi.


Le 18 janvier 1945, suite à notre choix de continuer à servir dans la Marine Nationale, nous sommes dirigés sur le centre démobilisateur de Beaume-les-Dames (25110)
Quelques jours plus tard, nous sommes de retour à Marseille, et coïncidence, à MONTOLIVET, chargés de la surveillance de prisonniers allemands, que nous conduisions chaque jour sur leur lieu de travail … pas très loin  du camp (jusqu'au 23 février 1945).


A partir du 24, je suis muté au 5éme dépôt des équipages de la flotte à Toulon, en instance d'affectation.
Du 8 octobre au 1er décembre 1945, je suis affecté, comme radariste, sur le croiseur « Montcalm ».
Volontaire pour stage de moniteur d'exercices physiques, j'embarque sur le croiseur « Lorraine » à destination d'Alger – centre Sirocco – Ecole des fusiliers marins.
Je termine le stage avec succès en tant que fusilier-marin, quartier-maître de 2éme classe, breveté moniteur Education Physique à l'issue d'un stage de 8 mois.
C'était la période des événements de Sétif.


En août 1946, je suis affecté à l'Ecole des Apprentis Mécaniciens de la Flotte à Saint Mandrier en temps qu'instructeur pour la formation sportive et militaire.
En 1949, j'effectue un stage  commando de 6 mois au Centre Sirocco d'Alger et  à l'issue de ce stage très difficile, retour à l'EAMF.


En juin 1950, je m'engage dans la gendarmerie en effectuant le stage  à l'Ecole de Chaumont (52) . A l'issue, le 18 octobre 1950, au départ de Marseille,  je gagne mon poste sur le paquebot de la compagnie des Messageries Maritimes « le Ferdinand de Lesseps » puis par voie ferrée.
Affectation en Tunisie  je rejoins mon affectation au 4éme escadron de la 2éme Légion de Garde Républicaine à GAFSA, dans le sud tunisien. : 1950-1953 – Gafsa – Bou-thadi (Sfax) – Beja – (opérations campagnes de guerre ; combats et troubles en Tunisie ; attentats, etc)

Indochine : Volontaire – 1953-1954 – campagne du Cambodge et du Laos – Forces prévôtales -Unité combattante de la 1ere Légion de Marche.
Tunisie : 2éme retour de 1954 à 1957 affecté à Beja (troubles de Tunisie).
La Réunion : 1957 à 1960 – affectation aux Brigades de Saint Pierre – la Rivière Saint Louis.
La Corse : 1960 à 1968 – Brigades de Vezzani et de Ghisonaccia (mallettes OPJ) photographe, maître-chien (CERI) – attentats et troubles FNLC.

 

A compter du 1er mai 1968, je suis en retraite …...bien méritée !


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