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Dis Monsieur ....

c'était comment ? tu faisais quoi durant la grande guerre ? Tu avais un fusil ? Tu as tué des gens ?

Voilà les questions que posent les jeunes écoliers ou collégiens lorsque l'on va à leur rencontre pour expliquer ce qu'est une guerre, et surtout pour éviter que cela ne recommence afin de rester en Paix dans le monde. Commémorer est important mais il faut également, et surtout, expliquer à la jeunesse pourquoi une guerre est arrivée, pourquoi des hommes se tuent et là c'est beaucoup moins facile. Il faut, je pense, parler avec son cœur et répondre tout simplement en parlant de son pays, de ce que la population subie, de l'inacceptable, et des décisions que l'on prend personnellement pour « défendre » la Patrie.....

Tout a commencé alors que j'avais 14 ans, en 1939/1940 - La guerre est déclarée – Puis c'est l'exode , l'évacuation de toutes les zones frontalières par le train. . Nous étions dans des wagons à bestiaux, direction le Sud de la France...

Les trains sont bombardés et mitraillés par les avions ennemis ; c'est pareil pour les femmes et les enfants qui sont sur la route . Il n'y avait plus beaucoup de nourriture , ni d'eau. Dans les champs il y avait les cadavres de chevaux et de vaches.

Tous les faits survenus jusqu'à mes 18 ans m'ont conduit à m'engager, comme de nombreux copains, pour libérer la France. Beaucoup d'images me reviennent en mémoire ....

J'étais jeune à l'époque mais il y a eu le 18 juin 1940 un appel au combat par un certain Général Charles de GAULLE. Il était dit que la France a perdu une bataille mais n'a pas perdu la guerre. « Je demande à tous les Français à venir me rejoindre pour continuer le combat », - l'Empire français se mobilise pour répondre à l'Appel.

La résistance s'organise dans les villes et dans les villages. Ils partent se cacher dans les forêts et dans les montagnes. Ils sont pourchassés par les Allemands et lorsqu'ils sont capturés ils sont fusillés après avoir subi des tortures (plonger la tête dans l'eau, doigts écrasés, yeux crevés). Pour terroriser la population, ils les pendent sur la place publique. Ils recherchaient des juifs, des communistes puis les envoyaient dans des camps de concentration afin de les tuer ; auparavant ils devaient rester durant des heures, les pieds nus dans la neige, immobiles durant l'appel, puis travailler très dur sans être nourri correctement. S'ils étaient trop faible pour travailler ils étaient abattus par les SS d'une balle dans la tête. Ils étaient brûlés dans des fours crématoires.

Dans nos villes les sanctions étaient prises par l'occupant et on ne pouvait circuler dehors entre 21 h et 6 h du matin. Tout groupe de plus de 3 personnes sur la voie publique était interdit ; il fallait un permis de circuler pour les travailleurs de nuit Car si vous étiez pris sans papier, il fallait passer la nuit à la kommandantur à cirer leurs bottes.....

Il fallait aussi des cartes de stationnement et surtout de ravitaillement ; ces dernières étaient classées en 8 catégories :

A : personnes de 22 à 70 ans non travailleurs de force ni cultivateur

E : les enfants de moins de 3 ans

JI : les enfants de 3 à 6 ans

JII : les enfants de 6 à 13 ans

JIII : les jeunes de 13 à 21 ans

T : travailleurs de force de 21 à 70 ans

C : cultivateurs de 21 à 70 ans

V : personnes âgées de plus de 70 ans.

 

L' ENGAGEMENT

 

Il fallait travailler pour vivre et, de retour à Longwy en 1942, j' étais à l'usine jusqu'en 1944. C'est à cette date (à mes 18 ans) que je me suis engagé dans l'Aviation, avec mon copain Marcel. Cependant il fallait attendre ...

Entre-temps, des recruteurs de la 9° DIC (Division d'Infanterie Coloniale) cherchait des volontaires et nous l'étions....!

Pour la petite histoire, après mon engagement, les gendarmes sont venus chez moi car j'étais signalé .... déserteur ! Tout s'est bien terminé quand mes parents leur ont dit que j'étais déjà parti .. « à la guerre » !

La 9° DIC a été formée , suite à l'Appel du 18 juin 1940, par le Général De Lattre et elle fait partie de la première Armée française en Afrique du Nord.

Cette Armée au départ comptait 256.000 hommes auxquels se sont rajoutés 150.000 jeunes patriotes maquisards engagés, armée composée de :

1ère division blindée (1ère DB) Général DU VIGIER

5ème division Blindée (5° DB) Général DE VERNGOUL

1ère division de marche d'Infanterie Général BROSSET

2ème division d'Infanterie marocaine (2ème DIM) Général DOCHY

3ème division d'Infanterie algérienne (3ème DIA) Général DE MONSABERT

4ème division d'Infanterie marocaine de montagne (3ème DMM) Général SEVEZ

9ème division d'Infanterie coloniale (9ème DIC) Général MAGNAN

3 groupes de Tabors marocain (GTM)

Bataillon de choc

Groupes commandos d'Afrique

Groupe commandos France

Seize groupes d'artillerie dont 13 lourds

6 régiments de tank destroyer TD Chasseurs de chars

deux régiments blindés de reconnaissance

quatre régiments de génie

trois régiments de pionniers

douze groupes d'artillerie anti aérienne

quatorze de transports auto

dix compagnie de transmission

multiples services de l'Intendance du matériel, des essences, de santé

un corps de 5000 AFAT (auxiliaires féminines de l'Armée de Terre)

Forces Françaises Libres (1er DFL)

Toutes ces divisions ont participé au débarquement de Provence à partir du 15 aout 1944, puis remonté la vallée du Rhône ; dans le département du Doubs, ils se sont arrêtés car le mauvais temps, la neige, le gel ont contraint les régiments de tirailleurs sénégalais à être relevés.

 

LA LIBERATION DE LA FRANCE

 

La libération de la France a débuté le matin du 6 juin 1944 par le débarquement des troupes américaines, britanniques et françaises en Normandie. Les pertes en vie humaine furent très nombreuses, les alliés luttent jusqu'au 30 juillet afin d' élargir leur tête de pont et effectuer une percée ; le 31 juillet, la troisième armée américaine se concentre à CARENTAN. Le 1er aout la 2° DB du Général LECLERC débarque dans le secteur d'Utah Beach prés de CARENTAN, elle rassemble 16 OOO hommes, 5000 véhicules faisant partie du 15° corps de l'Armée Patton formée au Maroc en aout 1943, Maroc qu'elle a quitté en avril 1944 pour l'Angleterre ; le 8 et 9 aout la Division entre dans la bataille en roulant vers LE MANS ; l'objectif est ALENCON avec l'appui de la 57° DB et 79 ° Armée et la 90° division d'Infanterie Américaine. Les alliés encerclent les 5èmes et 7èmes armées allemandes dans la poche dite de Falaise (Calvados). Le 10 aout , de nombreux combats éclatent, les français subissent des pertes sévères aussi bien en hommes qu'en matériels. LECLERC entre à Bourg-le-Roi en pleine nuit et atteint le faubourg sud d'Alençon ; le 12 aout la Division blindée traverse la ville où les habitants crient leur allégresse. En 2 jours la Panzer SS est bousculée par le groupe DIO qui fonce vers le Nord Ouest et atteint CAROUGES.

Le 1er Spahi Marocain se détache sur ARGENTAN au travers de la 116 Panzer. La poussée franco-américaine presse les forces ennemies vers le Nord, contre les Britanniques ; leur trafic est interrompu les 18 et 19 aout dans le secteur de CHAMBOIS transformé en masse par la jonction des Polonais et des Canadiens, les Français tiennent la « Divers «  ?

La 80ème DI américaine tient ARGENTAN, la 11ème DB britannique est à ECOUCHER, plus loin au sud. Et entre le 15 et le 18 aout les américains ont libéré ORLEANS CHARTRES et DREUX. Ils prennent MANTES LA JOLIE – FONTAINEBLEAU, SENS et commencent à traverser la Seine ; la 2ème DB se trouve toujours près d' ARGENTAN et LECLERC attend l'ordre d'avancer sur PARIS. Le 22 aout le commandant américain lui donne le feu vert depuis FLEURI, ses premiers chars vont entrer le 24 au soir à PARIS.

 

VERS LE RHIN

 

L'Armée B du Général De Lattre de Tassigny, débarquée à partir du 15 aout 1944 avec la 7ème Armée Américaine, libère la Provence, puis remonte la vallée du Rhône. C'est ainsi que la 1ère DFL et les FFI vont libérer définitivement LYON le 3 septembre. Les Français, aidés par les Américains sont entrés dans l'Ain, puis le Jura. Un dur combat est livré à MOUTHE dans le Doubs puis s'ouvre la route de PONTARLIER qui est libérée le 5/9 ; la 3° DIA établit le contact avec le maquis de LOMONT où 2500 FFI tenaient tête à l'ennemi depuis le 17 aout. Les villes de BESANCON, VESOUL, LUXEUIL sont conquises par les Américains. Le 8 septembre BEAUNE est libérée, la 1ère Division Blindée lance ses Unités vers DIJON et entre dans la ville le 11 septembre, date à laquelle la jonction est faite entre les forces débarquées en Provence et celles de Normandie.

Le 13 septembre LANGRES est libérée puis CHAUMONT.

L' Armée B du Général de LATTRE devient la 1ère Armée Française laquelle manœuvre vers l' Est ayant pour objectif BELFORT, MULHOUSE et le RHIN.

 

9ème DIC

 

La 9ème DIC a été constituée en Algérie en 1943 dans le cadre de la 1ère Armée Française. Elle comprenait 18000 hommes dont 9000 tirailleurs sénégalais. Les «Blancs» étaient des engagés des régiments d'A.O.F du Maroc ainsi que des évadés de France par l'Espagne. Elle était équipée de matériel américain et entrainée dans la région de Mostaganem et embarquée pour la Corse dans le but de faire un débarquement dans l'île d'Elbe tenue par les Italiens et les Allemands.

Le 17 juin 1944, après trois jours de combat où les tirailleurs firent merveille., le drapeau français flottait sur la ville de Napoléon. Cette victoire a fait 250 tués et disparus dont 20 officiers et aspirants et 635 blessés et 200 militaires ennemis ont été fait prisonniers .

Revenus en Corse la Division prépare le débarquement en Provence. Les Américains avaient débarqué le 15/8 contournant Marseille, Toulon. Nous débarquons le 18 aout sur les côtes de CAVALAIRE-sur-MER, sans grandes difficultés. Puis ce fut les faubourgs de Mal Bousquet et le 28/8 le dernier bastion tombait.

La Division avait payé sa victoire de 1100 tués et blessés et avait fait 10.000 prisonniers. Elle poursuivait sa marche vers le Doubs.

A l'extrémité Nord-Est du Jura, avant l'entrée en Alsace, la température était basse et dès septembre le Haut-Commandement a estimé qu'il fallait remplacer les Sénégalais par des « Blancs » car nos braves tirailleurs supportaient très mal le froid.

Il a fallu trouver 9000 engagés. Les Unités FFI étaient insuffisantes en nombre. Donbc, des sergents-recruteurs ont été envoyés sur le terrain à GRENOBLE, PONTARLIER, BELFORT, NANCY, LUNEVILLE, BRIEY, LONGWY.

Dans notre région, 350 jeunes gens, dissimulant parfois leur âge, se sont engagés.

 

LA GRANDE RELEVE DE LA 9ème DIC

 

Dominant un village Franc-Comtois les tirailleurs en chéchia rouge formaient sur le pré vert une ligne écarlate ; les jeunes appelés métropolitains qui leur font face s'incorporaient davantage au décor ocre d'automne.

Les Sénégalais, auréolés de leurs exploits en TUNISIE, à l'île d'ELBE, à TOULON, tous vétérans, tous chevronnés allaient partir. Le froid trop rigoureux les éloignait du combat. Ils étaient remplacés par des jeunes qui venaient des maquis, débordants de foi patriotique sinon de science guerrière, et d'apparence si « gosse » que leur tête disparaissait souvent sous le casque qu'ils ne savaient pas encore ajuster.....

Le drapeau, porté par un aspirant entouré de 5 sous-officiers aux multiples citations, était placé entre les 2 bataillons comme un trait d'union. Le Général a pris la parole et a commenté l'événement pour les Sénégalais afin surtout d'expliquer clairement cette relève.

En effet, on connaissait leur courage mais le froid vif d'aujourd'hui serait suivi d'un gel impitoyable qui les paralysera et les décimera. D'ailleurs les Tirailleurs d'Afrique Équatorial, - qui ont fait BIR HAKEIM, TRIPOLI, BIZERT, - venaient de rentrer chez eux. C'était le tour de ceux d'Afrique Occidentale de faire halte après la longue marche et de revoir le soleil natal.

Puis, au poste de combat, ce sera l'échange des armes et des équipements entre les Sénégalais et les jeunes engagés. Il y aura une courte formation militaire de 20 jours environ car il était urgent de terminer cette « transformation » militaire avant fin novembre date à laquelle était prévu le débouché sur l'Alsace.

Le 14 novembre 1944 ce fut l'offensive sur le Doubs ; puis la prise le 14 et 15 de VERMANDANS, VILLARS SUR ECOT, COLOMBIER FONTAINE, suivi le 15 et 16/11 de la prise de VALENTIGNY AUDINCOURT. Nous étions aux portes de l'Alsace.

Décembre 1944, malgré les conditions climatiques et la fatigue des Unités, la 9ème DIC libérera après de violents combats les villes et les villages de ROSEANU, HUNINGUES, SAINT LOUIS, VILLAGE NEUF, LOEF. C'est la percée. Le 25 décembre le 9ème DIC monte en ligne dans le secteur de MULHOUSE, dans l'eau jusqu'au ventre, La «Doller» est franchie dans la neige par -20°C. Les éléments d'infanterie bousculent l'ennemi, les tirs d'artillerie les chars ; les combats sont violents dans les rues des villages de BOURSVILLER, KINGERSHEIM, PULVERSHEIM, ENSISHEIM, CHALAMPE dans les cités KUHNAN, UNNER, Ste BARBE, Ste THERESE. En face se trouve une division SS venue de Norvège , les pertes sont lourdes après 15 jours de combats incessants. La 9° DIC a perdu le tiers de ses effectifs soit 3000 hommes, mais le moral reste confiant car les Allemands ont quitté l'Alsace entre l'Alsace et la frontière suisse. L' Alsace a retrouvé son âme. Après quelques jours de repos ce sera le secteur de STRASBOURG, les bords du Rhin en attendant la traversée de ce grand fleuve.....

Le 31 mars 1945, le Général VALLUY commandant la 9ème DIC reçoit l'ordre de préparer le dégagement au Nord de STRASBOUG KHEL et de se diriger vers LEIMERSHEIM pour traverser le Rhin . Le 2 avril, les premiers éléments de la 9ème traversent sur des canots et bateaux du Génie, sous un violent tir d'artillerie. Les balles sifflent, les blockhaus sautent, les combats sont violents mais la tête de pont tient. Le Général de LATTRE DE TASSIGNY vient féliciter ses coloniaux.

La 257 ème Division allemande est enfoncée et se remplie vers la Forêt Noire. Les villes suivantes sont contournées et tombent : KARSLSRUH – ETTINGER - RASTADT – BADEN BADEN – KHEL – OFFENBOURG – LHUR – FRIBOURG – NEUSTADT – SAINT BLASIEN – LAURACH. Puis la frontière suisse est atteinte. La 341 ème division allemande est anéantie.

Le lac de Constance est à nos pieds, les prisonniers français sont libérés, le 8 mai la 9ème DIC est dans le Bade-Wurtemberg.

Depuis l'Ile d' Elbe jusqu'à la fin de la campagne, 17190 hommes sont morts pour la libération de la France. Il y a eu 4762 blessés et nous avons fait 47500 prisonniers.

 

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Un exemple de CITATION montrant la bravoure d'un 2° classe

(L.M. Matricule 224 – 10 ° Compagnie) --- Jeune engagé volontaire animé d'un patriotisme ardent et d'une grande énergie, blessé grièvement le 23 janvier 1945, devant Cité Anna, alors qu'il s'élançait à l'assaut des résistances ennemies ; a été laissé pour mort sur le terrain, étendu dans la neige, a résisté à la douleur et au froid toute la nuit, puis au lever du jour , distinguant mieux la position et voulant rejoindre à tout prix son Unité, a rampé vers les lignes amies au prix de terribles souffrance parcourant plus de 300 m. sur un glacis battu par les feux, mettant plus de cinq heures pour arriver au bout de son calvaire ; a encore fait preuve au moment d'être recueilli d'un cran et d'un moral admirables.

 

Et pendant ce temps là ... à LONGWY

 

et en particulier à la SNCF où des hommes ont été tués pour faits de guerre car la résistance était avant tout axée sur l'aide aux prisonniers évadés et aux réfractaires. Les cheminots du Réseau Résistance Fer ravitaillaient également les évadés en fausse carte.

Le chef de gare Raymond POTELETTE est arrêté par la Gestapo et déporté à BUCHENWALD . Yves CREPEL participe à de nombreux sabotages et il est arrêté en janvier 1944. Paul MANSARD est arrêté en mai 1944. Le Maire Albert LABRO faisait passer des prisonniers évadés, il est arrêté en juillet 1943. Jacqueline BLOCH, juive, arrêté à l'âge de 16 ans et déportée vers les camps de la mort ; le frère et la sœur de Gaston LEVY mourant eux-aussi à AUSCHWITZ. Le 1er septembre le FFI CANTOVA est arrêté en haut de la Grimpette des Marronniers et il est immédiatement pendu à un pylône, pour servir d'exemple. Paul MAUCLER, qui s'oppose à un allemand, est tué à son tour.

 

Ce sont mes souvenirs de la libération de la France.

 

Puis septembre 1945 arrive et avec lui un départ pour l'Indochine.

 

Une autre épopée .......

 

 

Georges DIDIER