Guy LABEDAN,

Correspondant de l'Institut d'Histoire du Temps Présent  

Marcel-Pierre CARRERE,

Directeur du Service départemental de l'Office National

des Anciens Combattants et Victimes de Guerre 

 

 

A partir du mois d'août 1940, les troupes japonaises commencèrent à stationner en Indochine, en échange de la reconnaissance par le gouvernement nippon, de la souveraineté française sur ce territoire. Cette reconnaissance permit à l'administration et à l'Armée française de s'y maintenir. Très tôt des mouvements de résistance aux Japonais firent leur apparition. En effet, des réseaux renseignèrent les services chinois, américains, britanniques et français libres sur les emplacements et les mouvements des forces japonaises. En 1944, la politique française en Indochine prend un tournant décisif. D'accord, avec le gouvernement provisoire de la République Française, l'Amiral DECOUX, Gouverneur Général nommé par Vichy, accepte de créer le poste d'inspecteur général des forces armées, en faveur du Général MORDANT, représentant clandestin du Général de GAULLE. Cette fonction importante assurera au Général MORDANT une "couverture" qui lui permettra de diriger sur place la Résistance. Le coup de force japonais du 9 mars 1945 va marquer un revirement de l'attitude nippone à l'égard de l'Indochine. La défaite prévisible de son alliée, l'Allemagne, comme les revers successifs qu'il subit en Birmanie, aux Philippines et dans le Pacifique, conduise le Japon à ne plus pouvoir tolérer "la présence, au milieu de (son) dispositif d'une force étrangère (la France) qui menaçait de devenir hostile." (1) En conséquence, après avoir renforcé leurs effectifs sur le territoire indochinois, les Japonais préparent un plan d'attaque surprise des garnisons françaises et la main mise sur l'administration civile. Un prétexte est trouvé pour réaliser ce coup de force. L'ambassadeur du Japon MATSUMOTO prend rendez-vous le 9 mars 1945, avec l'Amiral DECOUX. A l'issue de la réunion, l'Ambassadeur remet au Gouverneur Général un ultimatum exigeant "le rattachement de l'Armée française au commandement impérial nippon". L'Amiral DECOUX rejette énergiquement cette demande. A 21 heures, les Japonais passent à l'attaque sur tout le territoire indochinois, avant même de connaître la réponse de l'Amiral DECOUX, prenant par surprise les troupes françaises. Celles-ci mal équipées et moins nombreuses que les assaillants, opposent une résistance farouche mais désespérée. A Hanoï, les Français combattent le plus souvent au corps à corps, à Lang Son, les défenseurs sont massacrés par les soldats nippons, dans le centre et le sud de l'Indochine de multiples combats sont livrés dans les garnisons ou en brousse. Au Tonkin, la colonne du Général ALLESSANDRI, au prix d'une "longue marche", de batailles quotidiennes avec les Japonais, réussit à rejoindre la Chine du Sud. Mais partout les troupes nippones ont vaincu. Comme a pu le dire M. Yves GRAS (2) "L'armée d'Indochine payait fort cher sa rentrée dans la guerre. Il n'en restait, au mois de mai, que les trois mille hommes, épuisés, vêtus de loques, démunis de tout, qui avaient trouvé refuge en Chine, ainsi que quelques groupes isolés qui tenaient encore dans les forêts du Laos avec la complicité de la population. 242 officiers et 2400 hommes étaient tombés, 5000 blessés-soit au total des pertes équivalant au cinquième de ses effectifs". Après le coup de force, commence la véritable occupation nippone de l'Indochine. Il n'y a plus d'administration française, les occupants soutiennent des mouvements autonomistes et internent dans les six principales villes d'Indochine, la population civile française. Les combattants français qui ont échappé à la mort commencent, comme l'écrit justement M. Yves GRAS (3) "une captivité misérable dans les camps japonais où des centaines d'entre eux devaient périr, notamment dans celui de Hoa-Binh que sa sinistre réputation fit surnommer "le camp de la mort lente". Après l'explosion des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, le Japon capitule le 15 août 1945. Le 2 septembre, les Alliés reçoivent la reddition solennelle de l'Empire du Soleil Levant. Grâce au sacrifice des combattants d'Indochine, le Général LECLERC peut signer l'acte de reddition au nom de la France. Le désarmement des troupes japonaises en Indochine est assuré au nord du 16ème parallèle par les Chinois et au sud par les Britanniques, appuyés seulement, par quelques éléments français, notamment ceux du 5ème régiment d'infanterie coloniale (R.I.C.). En effet, les Alliés, Américains et Chinois surtout, marquent leur hostilité au retour de la France dans cette région. Ainsi, les Américains ont refusé d'aider les Français dans leurs combats contre les Japonais, en ne faisant pas intervenir leur aviation basée en Chine; de même, les Chinois n'ont pas admis d'être accompagnés par les soldats du Général ALESSANDRI, qui ont dû rester en Chine du Sud. La situation est encore compliquée par la présence sur le terrain des Japonais, vaincus certes et attendant d'être désarmés, mais qui ne manquent pas de soutenir certains mouvements nationalistes indigènes, parfois en leur remettant leurs armes. Isolés, le 5ème R.I.C., les maquis qui ont poursuivi la lutte au Laos et quelques personnalités, s'efforcent de maintenir les intérêts français en Indochine. Il faudra attendre le mois d'octobre 1945, pour que l'arrivée d'un corps expéditionnaire français, commandé par le Général LECLERC, réaffirme la présence de la France sur ce territoire. Dès lors, Britanniques et Chinois évacuent l'Indochine. Les Français sont revenus, mais la colonie reste en effervescence. Le Viet-Minh réclame l'indépendance. La première guerre d'Indochine est commencée et durera jusqu'en 1954.

(1) Général de GAULLE - Mémoires de guerre

(2) (3) L'intrusion japonaise en Indochine - Etudes historiques M. Y.GRAS.

 

 

 

 

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